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Depuis quelques temps, j’observe que la programmation musicale de nos médias, audiovisuels notamment, foisonne d’hymnes aux couleurs nationales, saupoudrés de quelques baragouins sur la paix. Ces médias, de service public principalement, diffusent et rediffusent les mêmes radotages à longueur de semaine comme s’ils s’adressaient à un peuple d’enfants. Certes, la paix mérite des soldats. Mais, de la noblesse de l’entreprise à la perversion de celle-ci, il y a la dimension politique qui, elle, sert toujours un dessein obscur. Le fait que cette période se prête à tous les marchandages rend l’acte plutôt suspect.

En effet, l’insulte qui consiste à faire passer le peuple béninois pour un peuple devenu soudain inconscient, des gosses qu’il faut absolument sensibiliser avec des sonorités soporifiques, cette insulte dis-je, semble répondre à une intention cachée. Cela laisse croire qu’on veut le préparer, ce peuple, à avaler une couleuvre autrement plus cruelle que celle de Mars 2011.

Lionel Zinsou est intelligent. Concédons-le lui. Il sait que certains membres des FCBE qui lui tiennent la main pour aller le présenter dans leurs fiefs, le font pour céder à des pressions de toutes natures. Il sait que ses alliés de l’aube sont capables de retourner sur leurs pas, la nuit, pour passer des consignes contraires et bien se foutre de ses dents. Il sait que le béninois n’élira pas quelqu’un qu’il ne connaît pas. Il sait qu’il ne sera pas élu, pas par le suffrage des béninois.

  • Alors sur quoi compte-t-il pour devenir Président, sur la magie des appareils de Yayi ?
  • Pense-t-il que le peuple dont on a volé le suffrage en 2011 (selon le Président de notre parlement) se laissera encore voler ?
  • Est-ce pour endormir ce peuple que des chansons pour la paix sont commandées aux artistes et que les organisations de la société civile spécialisées dans la promotion de la paix sont ressuscitées et créées?
  • Les experts en stratégies d’endormissement des peuples sont-ils déjà à l’œuvre ?
  • Encore la proclamation des résultats à trois heures du matin ?

La présidentielle de 2016 est la sixième de notre histoire démocratique. Notre peuple est allé aux urnes une vingtaine de fois déjà, toutes élections confondues. Et, malgré les martyres qu’on lui inflige chaque fois (reports répétés, indisponibilité de matériels de vote, longue attente sous le soleil, coupures d’électricité en plein processus de décompte des votes, etc) il a su choisir ses dirigeants toujours dans la paix et dans un calme religieux.

En vingt six années d’expérience démocratique, aucun béninois n’a pris une hache contre son voisin pour des raisons électorales. Mieux, c’est pendant cette période que les gens délaissent à la télé, les feuilletons sud-américains pour se parler. C’est pendant cette période que, dans ‘’les cours communes’’, les débats se font, vifs, virils et passionnés, jusque tard dans la nuit. Chacun s’arrange pour placer son mot et son état d’âme. On pèse et on repèse chaque candidat avec sarcasmes et rires bruyants avant d’aller au lit, impatients de se pointer le jour J dans un bureau de vote. Il faut arrêter de l’infantiliser, ce peuple. A moins que ceci procède de l’une des étapes de la conspiration en cours contre lui.

Au demeurant, excepté les contextes monarchiques où la guillotine va plus vite que le droit, débattre, militer, choisir, constitue un ensemble non dissociable d’un même devoir, le devoir citoyen. Les petits SALOMON qui font croire à leurs peuples qu’être citoyen c’est les laisser faire tout et n’importe quoi au nom de la paix, ceux là sont les vrais prédateurs du bien être de leurs peuples, les pires ennemies de la paix. Je veux dire que ceux qui du haut de leurs pouvoirs, fichent des chars dans les rues, envoient les forces de sécurité publique contre des citoyens qui refusent d’applaudir leurs forfaitures, ceux là sont disqualifiés pour nous parler de paix, disqualifiés pour en faire la propagande.


Ils espèrent nous entendre chanter, couchés


Disons-le bien haut : il n’est pas acceptable que dans un pays réputé pour la qualité de sa démocratie, l’on dépouille impunément un peuple de l’expression de sa souveraineté dans la nuit profonde pour le réveiller, le matin, avec des berceuses sur la paix.

Qu’ils s’appellent Mandela, Houphouët ou Gandhi, les plus célèbres défenseurs de la paix enseignent l’attitude, la tolérance et le respect autant qu’ils exècrent le mépris de l’autre, le vol et l’écrasement de l’autre. Chacun d’eux a lutté. La lutte n’est donc pas le rejet de la paix, elle est même l’unique moyen d’y parvenir.

Nous n’allons donc pas nous faire avoir par les chanteurs de dimanche, apôtres occasionnels de la paix et promoteurs cyniques d’un KO que l’on sait impossible sinon que par le vol. Le tyran qui joue les sages n’est pas plus coupable que le sage qui applaudit le tyran. Ils espèrent nous entendre chanter, couchés. Ils veulent poser leurs fesses en cuir souillé sur notre dos. C’est à nous de leur faire la réponse qu’ils méritent. Joseph Kizerbo disait, le poing gauche levé, je cite : « Ananla ansara ! Ananla ansara ! Ananla ansara ! » 

La paix est un bien précieux, cela est incontestable ; mais le respect l’est bien plus, parce que le respect est le socle de toute paix durable. Le suffrage d’un peuple se respecte. C’est le fondement même de sa souveraineté. Nous chanterons ensemble la paix quand nous aurons fini de lutter pour notre souveraineté. Ananla ansara ! Un peuple couché est un peuple mort.