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La griotique est un art rentable, particulièrement en politique. Depuis la nuit des temps, les griots vendent leurs talents de lécheur aux Princes, aux Rois et autres petits bourgeois ringards et prétentieux supposés trop puissants pour être modestes. Sacré métier que celui de vendre pompeusement l’ange et le messie á la foule, le temps d’une messe. Qu’importent la barbe et la nature du client, du moment où il est solvable, l’on se bouscule á sa porte, quitte à se marcher dessus. Si tu n’y vas pas, ôte-toi que je m’y mette. Et, tenez-vous bien, ça va durer un bon moment. Au final, nos chefs se prennent pour des dieux. Nous l’avons vu avec Yayi.

La morale peut aller se promener. Un griot, un vrai, ne s’embarrasse ni des hoquets que ses exploits provoquent ni de la taille des abcès d’un Prince dont il lèche avec dextérité le postérieur gras et les doigts du pied. Son métier c’est de faire croire que la gale infecte du Prince est goûteuse. Tant pis á la foule qui l’aura cru, ira s’empoisonner. Du moment où monsieur griot s’en sort la bedaine ronde et les poches pleines, tout va bien dans le meilleur des mondes.

Visiblement, le Parti Communiste du Bénin, le plus vieux parti d’opposition du Bénin, fidèle opposant à tous les régimes, á commencer par celui de la révolution, manque d’expertise dans le domaine de la griotique. A entendre M Laurent METONGNON sur l’émission zone franche de la télévision Canal 3 le dimanche 10 Avril dernier, on est vite persuadé que ces bandeaux rouges ont la résistance plutôt coriace et la manière pour convaincre. Convaincants et crédibles parce que ceux d’entre eux qui parlent sont des technocrates et des professionnels chevronnés et de bonne réputation.

Attention à la pollution de l’esprit

A titre personnel, je suis admiratif des personnes qui n’ont pas peur d’affronter l’impopularité que leurs discours ou leurs actes pourraient susciter ; ceci d’autan plus qu’elles sont rares par ces temps de début de mandat où les laudateurs et les acclamateurs sortent des bois. Du déjà vu et du déjà détesté pour son caractère clochardisant, n’empêche que la méthode fit recettes sous le régime défunt; impossible donc de la proscrire.

En effet, on croyait que certaines habitudes disparaitraient avec la fin du système Yayi. On a la réponse : pas les vieilles bonnes ! Les messes d’actions de grâce en faveur du nouvel élu ont repris. Dans les couvents, les rituels traditionnels avec á la clé, des sacrifices divers, se multiplient. Dans certaines zones de notre pays, des prétendus chefs de fiefs électoraux, par peur d’être oubliés, hurlent à en perdre la voix, leur soutien au nouveau Président de la République. Dans cette ambiance de fayotage généralisée, où les louanges s’élèvent de partout pour polluer le chef, il faut s’appeler PCB, être sacrément culotté pour oser une dissonance.

Se garder de jeter le bébé et l’eau du bain

Aucun parti politique au Bénin ne peut sérieusement revendiquer leur longévité ni leur constance dans la cohérence entre les discours et les actes politiques. Eux, ils l’ont dans leur ADN. Ils se sont faits des ennemis dans toute la classe politique nationale, qu’à cela ne tienne, du moment où ils ne trahissent pas leurs idéaux, ils ne s’en plaignent pas. Les pouvoirs passent, les marginalisent, les boycottent, les oppressent; rien n’ébranle leur foi, ni appâts savoureux, ni menaces, ni chantages, ni les échecs récurrents ; rien, nada. Ils ont même refusé de rentrer dans l’un des gouvernements du Président Soglo au motif qu’il s’y trouvait un prédateur invétéré et arrogant des libertés publiques, preuve s’il en faut, qu’ils n’avalent pas tout.

Yayi Boni les connaît. Ils lui ont fait voir toutes les variantes de la couleur rouge. Et, quand il s’est agit de s’opposer à la ‘’monarchisation’’ de notre pays voulu par Yayi ou, au retour de l’impérialisme français déguisé sous des habits brodés à la va-vite chez les babas de zongo, ils étaient en premières lignes, sous le soleil et la pluie, arguments aux lèvres, bandeaux au front, la rage incorruptible, prêts à en découdre avec les bêtes de toutes natures.

Rassurez-vous, je ne suis pas devenu communiste. Aucune chance que cela arrive. Mais encore, qu’est-ce qu’être communiste de nos jours ? Déplaire par vocation ? Se parer de rouge et descendre dans les rues pour hurler son ras-le-bol ? Dire des choses que personne n’ose dire ? Jouer les diables ? Se prendre pour le peuple ? Mourir pour le peuple ? La Chine immense est en passe de devenir la première puissance économique mondiale; c’est le plus grand marché de mains d’œuvre au monde ; en quoi est-elle encore communiste ?

Je veux dire que si le Parti Communiste du Bénin a un défaut, c’est de continuer d’être le Parti Communiste du Bénin ou plus exactement, de s’appeler encore PCB. Cela facilite la tâche à leurs détracteurs, ceux qui veulent les isoler pour se faire leurs places autour du pouvoir, les petits esprits que la contradiction dérange. On a beau ne pas être d’accord avec eux, ils n’ont jamais rien dit d’autre que ce que chacun de nous répète selon que l’on aie le vocabulaire pauvre ou varié et en fonction des enjeux. Il suffit de ranger nos aprioris pour s’apercevoir que le PCB est, de loin, le premier des rares partis politiques véritablement républicains que nous ayons au Bénin, ceci, bien avant même que notre démocratie ne voit le jour.

… au nom du peuple, pour le peuple.

Par exemple, en quoi est-on condamnable à dire : la souveraineté appartient au peuple. Le pouvoir appartient au peuple. Gouverner au nom du peuple et pour le peuple ! N’est-ce pas là, le fondement de tout projet politique ? L’action politique à quelle légitimité si elle n’émane de la volonté du peuple et ne vise, au final, le bien être du peuple ? En quoi nos amis communistes sont ils plus communistes que le Professeur Tévoédjrè et son Minimum Social Commun et son souci récemment affirmé de la ponctualité? Ils ont même actualisé leurs façons de faire et leurs discours et sont devenus beaucoup plus courtois qu’à l’époque révolutionnaire où ils ventilaient des tracts réactionnaires jusque dans les camps militaires et où aucun adjectif ne suffisait à dire du mal de Kérékou et de son système. S’il y en a qui sont morts pour que naisse la démocratie béninoise, ils sont d’abord communistes. Certains parents racontent encore, les communiqués laconiques du gouvernement révolutionnaire n’y ont rien changé, comment leurs enfants partis étudier à l’université nationale du Bénin sont revenus : démembrés et attachés dans des sacs de jute.

L’on dira, jouant sur un passif discutable, que composer avec le Parti Communiste du Bénin n’est pas simple. Certes. Mais qu’est-ce qu’on risque ? Certains parmi eux sont lunatiques, d’autres, subversifs et arrogants. Et après ? C’est le prix à payer. Dans le pire des cas, ça se passera comme ça se passe partout : ils jouent le jeu ou ils dégagent. Mais, les jeter comme nous l’avons fait jusqu’à présent me semble être une faute politique incompréhensible.

Il est pour le moins étonnant de nous voir nous accommoder aussi effrontément d’une Chine communiste et vorace, laquelle gagne la quasi totalité des marchés publics chez nous et, dans le même temps, nous entendre avancer des prétextes fallacieux pour conspuer, marginaliser, ranger, vouer aux gémonies les communistes du Bénin. Ce sont des intelligences fertiles, des patriotes et des militants convaincus, des contradicteurs de qualité, des balises de sécurité dont a besoin le navire Nouveau Départ pour ne pas chavirer précocement. Les acclamateurs eux, exultent à la vue des vagues tumultueuses, sûrs de leurs talents : « celui-ci peut couler, nous allons sauter dans le suivant ». A bon entendeur …